Les Naufragés du "Jonathan"

1880. Les indigènes de l’archipel magellanien vénèrent un homme énigmatique et bon qui, depuis des années, leur prodigue ses soins; ils l’ont surnommé le Kaw-djer (le bienfaiteur). Ce personnage vit en compagnie du Fuégien Karoly et de son fils Halg, à qui il accorde une affection presque paternelle. En apprenant que le Chili et l’Argentine se sont partagé la région, le Kaw-djer, partisan de l’anarchisme, ressent une profonde amertume.

Il sauve du naufrage un navire d’émigrants, le Jonathan, et l’échoué sur l’île Hoste, près du cap Horn. Les passagers décident de rester sur l’île et de la coloniser; le Chili propose alors l’indépendance de cette terre en échange de sa mise en valeur.

Parmi ce millier de déracinés de différentes nationalités se trouvent d’honnêtes travailleurs, mais aussi de nombreux aventuriers et même deux théoriciens politiques, Beauval et Dorrick, qui, déjà, s’affrontent au nom de leurs idéaux respectifs. Le Kaw-djer sympathise d’abord avec Rhodes puis avec Hartlepool, le maître d’équipage du navire; il s’intéresse aussi aux deux mousses: Dick et Sand.

Par une manœuvre habile, Beauval réussit à se faire élire gouverneur de l’île, mais son incompétence à diriger provoque des émeutes et des pillages. Rhodes et Hartlepool récupèrent les fusils de la cargaison, créent une milice d’hommes intègres et adjurent le Kaw-djer d’en prendre le commandement. Devant le péril imminent celui-ci accepte, bien conscient cependant que ce choix heurte ses idées libertaires. Très vite, il remodèle la ville, en nomme les responsables, puis s’assure le concours de travailleurs qualifiés qui bâtissent l’infrastructure de l’île Hoste.

Tout ceci n’est pas pour plaire à Dorrick et à ses acolytes qui décident l’élimination du nouveau chef. Grâce à l’intervention de Dick et Sand, le complot est dévoilé et les conspirateurs tués par l’explosion de leur propre bombe. Malheureusement, les deux enfants payent cher leur dévouement: pris dans un éboulement, Sand a les jambes broyées; Dick, traumatisé par ce drame, est terrassé par une congestion cérébrale. Le Kaw-djer parviendra à les sauver, mais Sand demeurera infirme.

La colonie commence à devenir prospère lorsqu’une invasion de pillards patagons la menace gravement; le Kaw-djer, dévoilant des talents de stratège, et malgré l’infériorité numérique de ses troupes, les met en déroute. En 1890, l’île atteint son plein épanouissement et les émigrants vivent maintenant confortablement. Halg est marié, Dick et Sand ont grandi, et tous trois développent harmonieusement leurs aptitudes. C’est alors que la découverte fortuite d’un gisement aurifère vient tout bouleverser.

Les colons abandonnent leurs tâches habituelles pour prospecter, et l’économie s’effondre; en outre, des milliers de chercheurs d’or débarquent et sèment le désordre. Le Kaw-djer tente de les refouler, mais, devant leur agressivité, fait ouvrir le feu sur eux: des centaines d’hommes tombent sous les balles et les survivants s’enfuient. L’île est sauvée, mais à quel prix!

Très éprouvé, le Kaw-djer subit une grave crise de conscience, aggravée encore par l’intervention du Chili qui remet en cause l’indépendance de l’île dont il convoite maintenant les richesses. On apprend que cet homme exceptionnel est le descendant d’une famille royale européenne dont le nom ne sera pas dévoilé. Il négocie avec autorité les intérêts de la colonie et désigne Dick comme son successeur.

Puis, sans un adieu, il se retire sur l’île Horn, où il a fait bâtir un phare. Il y vivra désormais solitaire et libre, ayant choisi l’humble tâche de guider les navires qui frôlent ce «bout du monde». 

Renseignements complémentaires: Œuvre posthume remaniée par Michel Verne. La première version a été publiée par la Société Jules Verne.

«Cet important roman, longuement mûri par Verne de 1887 à 1904 (dont le premier titre était: En Magellanie), était sans doute destiné à constituer une conclusion aux Voyages extraordinaires, en posant dans ses dernières pages la question de la survie d’une œuvre à son auteur. Cet ouvrage méconnu fait l’objet de discussions quant à sa portée politique puisqu’il est paru après la mort de l’auteur.»

Claude Legrand (1998)

The Survivors of the "Jonathan"

Survivors of a shipwreck find their savior a man named Kaw-djer. Kaw-djer is a natural leader; however, he is reluctant to lead them in colonization of the island they landed on. Circumstances later cause him to take command of the colony when the society begins to fall apart. 

NOTE: Jules' original title for this story was En Magellanie. Michel gave the a.k.a. title to his modified version.

Dennis Kytasaari (2001)